Depuis plusieurs années, le star-architecte Ole Scheeren réinterroge la verticalité urbaine. Son dernier coup? Un complexe de gratte-ciel superposés à l’horizontale. Une innovation qui permet de gagner énormément de surface et d’optimiser la vie communautaire.

Pas sûr que l’empilement urbain soit le mode d’urbanisation du futur. Mais à Singapour, qui manque cruellement d’espace, l’architecte allemand Ole Scheeren a réussi une véritable prouesse technique. Sur un site de huit hectares s’empilent plusieurs dizaines d’immeubles, totalisant 170.000 mètres carrés de surface. Ils sont «emboîtés» les uns aux autres de manière harmonieuse, comme des Lego. L’ensemble s’appelle «The Interlace» et a permis à l’architecte de remporter le prix de la construction mondiale de l’année, en 2015.

Étoile montante de l’architecture, Scheeren a bâti sa carrière sur une approche audacieuse du design urbain. «The Interlace» est un complexe résidentiel contenant 1.040 appartements. Beaucoup d’architectes, confrontés au défi de la densification, auraient construit verticalement. Mais Scheeren a décidé de renverser la donne en partant d’un ensemble de 31 blocs, qu’il a incliné sur leurs côtés et empilé les uns sur les autres comme des briques de Lego.

Catalyseur social

Un manifeste contre la folie des hauteurs? Ces dernières années, plus de gratte-ciels ont été construits que jamais en Europe et en Asie. Scheeren observe cette tendance avec une pointe d’amertume. Ce n’est pas qu’il s’oppose, par principe, à la hauteur: après tout, c’est un moyen efficace d’accueillir beaucoup de gens sur une surface restreinte – un impératif qui devient de plus en plus fort à mesure que les populations gagnent les villes. C’est juste qu’il trouve la plupart de ces développements fades, répétitifs et isolants. «Il y a un divorce complet entre les tours et la vie des gens, explique-t-il. Souvent, leur échelle dépasse ce qui est compréhensible à l’œil humain, donc on ne peut plus dire à quel point un bâtiment est grand ou combien il accueille de personnes… Pour moi, ce n’est même plus de l’architecture, mais de la construction. Or chaque site a droit à l’invention d’une réelle stratégie.»

L’aspect ludique de son approche résonne comme un catalyseur social: les blocs empilés de l’«Interlace» génèrent une multitude d’espaces collectifs. Cette cité futuriste s’articule autour de huit cours extérieures, mais elle comprend aussi une piscine de 50 mètres, un club house, des salles de jeux, des terrasses et des jardins suspendus… Les fans de running peuvent même s’exercer autour du village grâce à une promenade d’un kilomètre de long. Autant de «fracturation» qui invitent les habitants à se mélanger. «L’image que cela crée incite à l’occupation, explique Scheeren. C’est une tentative de célébrer les gens à l’intérieur de la structure et de les ouvrir à la ville.»

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